Les mélanomes résistants finiront par rendre les armes

Publié le 21 juin 2018 dans News


À l’Université de Liège, c’est l’effervescence. « Nous vivons un grand moment », souffle Pierre Close. « Cela fait quatre ans qu’on travaille sur ce projet. Qu’on sent qu’on tient quelque chose… ». Et voilà que l’équipe, composée notamment de Francesca Rapino, Chargée de recherches FNRS, vient d’aboutir : elle a identifié les mécanismes induisant une résistance des cellules de mélanomes malins aux thérapies ciblées.

3.000 patients par an

Le mélanome malin est un cancer de la peau multi-résistant extrêmement difficile à traiter qui touche quelque 3.000 personnes chaque année en Belgique. Dernièrement, les thérapies ciblées ont révolutionné la prise en charge des patients en visant directement la mutation génétique responsable de la tumeur. Immense pas en avant. Mais le bénéfice clinique reste toutefois limité : les cellules cancéreuses s’adaptent, pour survivre. Les patients développent alors une résistance à leur traitement.
Tout l’enjeu de la recherche était donc de comprendre pourquoi et comment s’exerçait cette résistance.

Un effet anti-tumoral

Défi relevé. Le laboratoire de Pierre Close a découvert que, au cours du traitement par thérapies ciblées, les cellules de mélanomes modifient la manière avec laquelle elles synthétisent les protéines. Elles optimisent la traduction protéique en faisant appel à des molécules qui assurent une fidélité parfaite afin de survivre au traitement qui leur est appliqué. Ce mécanisme d’adaptation cellulaire, qui est inactif dans des cellules saines, repose sur une nouvelle famille d’enzymes qui régulent les ARNs de transfert : ce sont ces enzymes qu’il s’agit de bloquer.
Les chercheurs l’ont démontré : en inhibant ces molécules, les cellules du mélanome résistant sont re-sensibilisées aux thérapies ciblées et meurent par apoptose (mort cellulaire programmée). Un effet anti-tumoral a donc lieu ; il est de taille. « Nous-même avons été surpris par l’importance de cette découverte », confie Pierre Close.

Encore un peu de patience

Pour ce Chercheur qualifié FNRS, cette découverte est une double victoire scientifique. C’est d’abord et surtout une avancée pour les patients. Qui devront se montrer… patients. Il faudra encore attendre entre 5 et 7 ans – « et c’est une estimation », précise Pierre Close – avant que des inhibiteurs pharmacologiques ciblant spécifiquement ce mécanisme soient mis sur le marché.
C’est aussi une reconnaissance par ses pairs avec la publication des résultats dans la très prestigieuse revue Nature. « Il est terriblement difficile d’accéder à ces revues internationales : il faut mener une importante bataille intellectuelle pour faire passer ses résultats ».

Le cancer de la peau. Et les autres ?

Des résultats prometteurs, indéniablement, dans lesquels le Télévie a aussi joué un rôle important (plusieurs bourses Télévie ont en effet été attribuées dans ce cadre). Pour les patients de mélanomes malins multi-résistants, maladie dont le pronostic reste très défavorable. Pour les patients souffrant d’autres formes de cancer aussi. « Notre travail permet d’identifier un mécanisme de résistance aux thérapies ciblées, des thérapies qui sont aussi utilisées pour soigner d’autres cancers. Nos recherches futures vont permettre de voir si la résistance aux traitements peut se combattre de la même façon que dans ce cas-ci », conclut Pierre Close, plein d’enthousiasme.
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